Le statut des histones, nouveau biomarqueur dans l’adénocarcinome pancréatique.
Le cancer du pancréas est l’un des cancers digestifs dont le pronostic est le plus mauvais.
En dehors des mutations génétiques, des modifications épigénétiques telles que la méthylation de l’ADN ou la méthylation/acétylation des histones pourraient jouer un rôle dans l’oncogénèse des cancers du pancréas. Dans cette étude, les auteurs ont évalué la valeur pronostique et prédictive des modifications épigénétiques de certaines histones dans deux séries de patients opérés pour un adénocarcinome du pancréas.
Les patients de la 1ère série étaient des patients ayant été inclus dans l’étude de phase III randomisée RTOG 9704 qui comparait deux combinaisons de chimiothérapie et radiochimiothérapie (RCT) adjuvante : soit 1 mois de 5FU - RCT avec 5FU – 3mois de 5FU, soit 1 mois de gemcitabine - RCT avec 5FU – 3 mois de gemcitabine. 103 patients du bras 5FU et 91 patients du bras gemcitabine ont été inclus dans cette étude.
La 2ème série de patients est une cohorte des patients opérés d’un adénocarcinome du pancréas de stade I ou II à l’université de Californie (UC) entre 1987 et 2005.
Des tissus micro array incluant des carottes tumorales des patients des 2 séries ont été réalisés. En immunohistochimie, 3 marqueurs de modifications épigénétiques des histones ont été évalués : la diméthylation de la lysine 4 de l’histone H3 (H3K4me2), la diméthylation de la lysine 9 de l’histone H3 (H3K9me2), et l’acétylation de la lysine 18 de l’histone H3 (H3K18ac). En fonction de la médiane du pourcentage de cellules tumorales positives, les tumeurs ont ensuite été classées pour chaque marqueur en deux groupes de faible ou forte expression. Les valeurs seuil choisies étaient 60% pour H3K4me2, 25% pour H3K9me2 et 35% pour H3K18ac. Pour la classification en deux groupes des patients en fonction du niveau d’expression, la reproductibilité inter observateur était bonne avec des scores kappa de 0,57 pour HEK4me2, 0,75 pour HEK9me2 et 0,62 pour H3K18ac.
Il n’existait pas de corrélation significative entre les caractéristiques clinicopathologiques des patients/tumeurs et le niveau d’expression des différents marqueurs à l’exception d’une association limite entre une faible expression de H3K4me2 et le caractère N0 des tumeurs (p=0,51) dans la série RTOG et une association significative entre une faible expression de H3K4me2 et un « petit » stade T (p=0,007) dans la série UC. Une faible expression de H3K4me2 était un facteur de mauvais pronostique dans les 2 séries alors que le caractère N0 (série RTOG) et un « petit » T (série UC) étaient des facteurs de bon pronostic.
1ère série RTOG : en analyse multivariée, une faible expression de H3K4me2 ou de H3K9me2 était un facteur de mauvais pronostique indépendant pour la survie globale (respectivement : HR=1,48, IC 95% : 1,05-2,08, p=0,02 ; HR=1,44, IC 95% : 1,04-2,00, p=0,03) et la survie sans maladie (respectivement : HR=1,34, IC 95% : 0,97-1,84, p=0,08 ; HR=1,69, IC 95% : 1,23-2,31, p=0,001) alors que la faible expression de H3K18ac ne l’était pas (survie globale : HR=1,27, IC 95% : 0,91-1,76,p=0,16 et survie sans maladie : HR=1,33, IC 95% : 0,97-1,82, p=0,08).
2ème série UC : en analyse multivariée, une faible expression de chacun des 3 marqueurs, H3K4me2, H3K9me2 et H3K18ac, était un facteur de mauvais pronostique indépendant pour la survie globale (respectivement : HR=2,39, IC 95% : 1,53-3,73, p<0,001 ; HR=1,62, IC 95% : 1,04-2,51, p=0,032 ; HR=1,66, IC 95% : 1,09-2,52,p=0,018). La combinaison d’une faible expression de H3K4me2 et/ou de H3K18ac versus une expression forte de H3K4me2 et de H3K18ac était le marqueur de mauvais pronostique indépendant le plus significatif en analyse multivariée avec des survies globales de respectivement 1,7 ans et plus de 5 ans (p<0,001).
Dans les 2 séries, la combinaison d’une faible expression de H3K4me2 et/ou de H3K18ac était un facteur de mauvais pronostique majeur dans le sous-groupe des patients avec un cancer N0 : série RTOG, HR=3,61,p=0,003 ; série UC, HR=5,0, p<0,001. Par contre, la combinaison n’était pas pronostique dans le sous-groupe des patients N+.
Dans la 1ère série du RTOG, parmi les patients avec une faible expression de H3K4me2 ou de H3K18ac, ceux du bras 5FU avaient une moins bonne survie sans maladie que ceux du bras gemcitabine (respectivement, p=0,014 et p=0,015). Pour la survie globale, une faible expression de H3K4me2 ou de H3K18ac était un facteur de mauvais pronostique dans le bras 5FU mais pas dans le bras gemcitabine. Ces données suggèrent que les niveaux d’expression de ces marqueurs pourraient aussi être des facteurs prédictifs du bénéfice du 5FU en adjuvant.
En conclusion, les résultats rapportés suggèrent que les niveaux de méthylation ou d’acétylation de certaines histones pourraient être des facteurs pronostiques en cas de tumeur N0 et des facteurs prédictifs du bénéfice du 5FU en adjuvant. La méthodologie de cette étude est excellente mais des études complémentaires de validation et de reproductibilité sont nécessaires.
Manuyakorn A, Paulus R, Farrell J, et al. Cellular histone modification patterns predict prognosis and treatment response in resectable pancreatic adenocarcinoma : results from RTOG 9704. J Clin Oncol 2010, 28 :1358-1365.