Le hasard peut bien faire les choses, avec laide du scanner multibarrettes !
L'utilisation de plus en plus répandue du scanner multibarrettes (TDMMB), ou scanner multicoupes/multidétecteurs, est associée à un nombre croissant de découvertes fortuites de lésions (incidentalomes) dont la valeur clinique est incertaine. Ainsi, le centre du sein de Primrose (Plymouth, Royaume-Uni), reçoit-il de plus en plus souvent des patientes, sans antécédents connus de cancer du sein, mais chez lesquelles des lésions mammaires ont été découvertes lors d'un scanner thoracique. Plusieurs études ont démontré que la TDMMB optimisée pour l'étude du sein peut fournir des images caractéristiques en faveur de la malignité ou de la bénignité lors de l'évaluation de masses mammaires initialement détectées à l'échographie mammaire (EM) et/ou la mammographie (MG). Mais, la valeur cliniques des lésions mammaires découvertes fortuitement lors d'une TDMMB thoracique n'est pas établie et il semble actuellement peu probable que la TDMMB du sein puisse concurrencer les techniques reconnues pour la détection et l'évaluation du cancer du sein primaire, à savoir la MG ou l'EM, et dans une moindre mesure l'IRM. Cependant, le problème reste posé en pratique clinique : (1) quelle est la signification des incidentalomes mammaires découverts par hasard lors de TDMMB thoraciques ; (2) quels aspects doivent faire plus particulièrement évoquer la malignité ? A ce jour, aucune donnée publiée n'est disponible pour répondre à ces questions.
C'est pourquoi, G Porter et coll. ont réalisé une étude prospective chez 34 patientes adressées au centre Primrose pour un incidentalome mammaire détecté lors d'une TDMMB. Les femmes avec un diagnostic connu de cancer du sein n'ont pas été incluses dans l'étude. Les caractéristiques tomographiques et les résultats histologiques ont été notés et la corrélation entre ces données a été analysée en utilisant le test de Fisher.
Parmi ces 34 patientes, une lésion maligne a été diagnostiquée chez 11 (32 %). Dix cancers du sein (7 carcinomes canalaires infiltrants et un carcinome lobaire infiltrant) et un lymphome axillaire ont été découverts. Les caractéristiques tomodensitométriques en faveur d'une malignité se sont avérées être la présence d'une spiculation (opacités linéaires orientées en rayons de roue autour de la lésion) [6/10 (60 %) versus 0/24 (0 %) ; p = 0,0002] et d'une lymphadénopathie axillaire [3/10 (33 %) versus 0/20 (0 %) ; p = 0,03]. Au contraire, une masse bien définie était en faveur de la bénignité [10/24 (42 %) versus 0/10 (0 %) ; p = 0,015]. La présence de calcifications, l'hétérogénéité, la taille et la multiplicité des lésions n'étaient pas des éléments tomodensitométriques prépondérants pour parvenir au diagnostic. Les lésions situées dans les seins peu denses avaient tendance (quoique de manière non significative) à être plus souvent malignes que celles situées dans des seins denses [6/14 (43 %) versus 4/20 (20 %) ; p = 0,11].
Il semble donc qu'un taux significatif (32 % ici) de lésions malignes puisse être détectées de manière fortuite lors d'un scanner thoracique. De plus, deux aspects tomodensitométriques semblent très évocateurs de malignité : la présence de spiculation ou de lymphadénopathie axillaire.
Face à ces « incidentalomes », la question « des biopsies blanches » auxquelles ces images peuvent conduire mérite cependant d'être posée. En comparant les taux de biopsies blanches dans cette étude (0,45:1) à celui, considéré comme favorable dans les programmes de dépistage réalisés Outre-manche en 2006/2007 (1,23:1), les auteurs concluent que le rapport bénéfice/risque est positif.
Porter G et coll.: Incidental breast masses detected by computed tomography: are any imaging features predictive of malignancy? Clin Radiol 2009; 64 (5): 529-533.