Faut-il encore opérer les appendicites aiguës ?
Le dogme de l’appendicectomie (APT) devant une appendicite aiguë (AA) est universellement admis, le but étant d’éviter les complications (péritonite par perforation). L’APT est ainsi une des interventions les plus pratiquées au monde, avec toutefois un coût lourd pour la société (frais directs, éviction scolaire, arrêts de travail), et un risque de mortalité accru (3 fois celui de la population générale !). Pourquoi alors ne pas traiter l’AA médicalement comme on le fait pour la salpingite ou la diverticulite et obtenir ainsi la résolution spontanée des symptômes (RSS) ?
Après une revue exhaustive de la littérature, RJ Mason, chirurgien californien, est parvenu à la conclusion que la résolution spontanée des symptômes était possible sur le plan clinique : le développement de l’utilisation du scanner ou de la cœlioscopie à visée diagnostique a permis de constater un taux de RSS important en cas de AA peu symptomatique. De plus, une approche agressive de l’AA conduit à un taux élevé d’APT sur appendices sains, et l’auteur en conclut là encore une RSS probable dans des AA authentiques. Des études basées sur l’évolution des images d’échographie ou de scanner ont d’ailleurs démontré la possibilité de résolution symptomatique spontanée pour des appendicites aiguës documentées radiologiquement.
L’auteur considère aussi que l’AA perforée et l’AA non perforée sont deux entités distinctes, sans que la 1ère soit forcément une complication de la 2nde. Il se base pour soutenir ce postulat sur le fait que le taux d’APT pour AA non compliquées varie à travers le temps et les régions, alors que celui des APT pour péritonites est stable, et sur le fait qu’on trouve davantage de coprolithes dans les AA perforées ou gangréneuses que dans les AA phlegmoneuses.
Sur le plan histologique, la constatation d’infiltrats de lymphocytes et d’éosinophiles ainsi que d’un tissu granuleux dans la lumière appendiculaire témoigneraient d’une RSS. Le primum movens de l’AA serait une infection intestinale de voisinage plus qu’une obstruction, sauf dans les AA gangréneuses.
Certains ont publié des séries d’AA (pas toujours documentées) guéries sans intervention (ni antibiotiques parfois !) et RJ Mason a traité ainsi 62 patients dont il reconnaît cependant qu’ils avaient des signes modérés, une durée d’évolution et un âge plus élevés que la population traitée par APT. Quant au phlegmon appendiculaire, l’abstention y est préconisée classiquement mais le traitement non opératoire échoue dans plus de 10 % des cas.
La résolution spontanée des AA, avec ou sans traitement antibiotique, est possible. Mais les éléments pour conclure à l’abstention reposent, en l’absence d’études prospectives randomisées, sur des arguments peu convaincants.
Mason RJ. : Surgery for appendicitis : is it necessary ? Surgical infections 2008 ; 9 : 481-8.