Nous nen sommes pas au scénario-catastrophe dune pandémie bactérienne incontrôlable, mais linquiétude grandit.
De nombreux cas de patients infectés par une famille de bactéries très résistantes aux antibiotiques usuels ont été découverts en Grande-Bretagne. La propagation rapide et massive de cette souche, isolée pour la première fois en Inde en 2008, inquiète la communauté médicale.
Nous n'en sommes pas au scénario-catastrophe d'une pandémie bactérienne incontrôlable, mais l'inquiétude grandit. Une nouvelle génération de bactéries, touchant les poumons et l'appareil urinaire, très résistantes aux antibiotiques usuels est en train de se propager dans le monde entier. Dans une étude parue mercredi11/08/2010 dans le journal The Lancet Infectious Diseases, des chercheurs anglais, indiens, australiens et suédois tirent pour la première fois la sonnette d'alarme. La NDM-1 - c'est le nom de l'enzyme produite par cette nouvelle souche bactérienne - «a de grandes chances de devenir un problème de santé publique mondial. Une surveillance coordonnée au niveau international est nécessaire.» C'est cette enzyme qui rend inefficace les antibiotiques les plus courants, de la famille des bêtas-lactamines (pénicillines, céphalosporines et même les carbapénèmes, utilisés jusqu'à présent dans le traitement des souches multirésistantes).
Isolées pour la première fois sur un patient suédois venu se faire opérer dans un hôpital indien en 2008 (le nom de l'enzyme associée «New Dehli métallico-bêta-lactamase 1», NDM-1, vient de là, ndlr), ces bactéries d'un nouveau genre ont été identifiées avec certitude chez près de 150 patients répartis en Inde et au Pakistan, et 37 personnes en Grande-Bretagne, indique l'étude. Le professeur Patrice Nordmann, chef du service bactériologie et virologie au Kremlin-Bicêtre et directeur de l'unité INSERM 914 «Mécanismes émergents de résistances aux antibiotiques», précise que l'on retrouve déjà ces bactéries en Afrique et en Australie. «Quelques cas probables sont en cours d'analyse en France», ajoute-t-il. Un éditorialiste du Lancet indique par ailleurs que les «NDM-1» ont déjà été isolées aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et au Canada. Jusqu'à présent, aucune des personnes touchées n'a succombé à l'infection.
Un cocktail d'antibiotiques toujours efficace
Ce qui inquiète la communauté médicale, c'est un faisceau très rare de problèmes convergents. Tout d'abord, cette multirésistance aiguë aux antibiotiques. «Seuls deux antibiotiques sont encore efficaces, mais le premier, la colistine, ne peut être administré que par voie intraveineuse, et le deuxième, la tigécycline, est inefficace contre les infections urinaires », insiste le professeur Nordmann. Un gros problème puisque ces nouvelles bactéries touchent plus particulièrement l'appareil urinaire (elles peuvent également toucher les poumons) et que ce type d'infection est très répandu. «Chaque année, environ 10% des femmes en développent une en France», précise-t-il. Aucun nouvel antibiotique efficace n'est attendu avant une dizaine d'années, estime enfin le professeur Walsh, un des co-auteurs de la publication. Pour le moment, les patients sont traités grâce à un cocktail d'antibiotiques qui se montre encore suffisamment efficace. Mais pour combien de temps ?, s'interrogent les médecins.
L'Inde et le Pakistan constituent d'ores et déjà un réservoir considérable de ces bactéries. Un endroit surpeuplé, un manque d'hygiène désastreux et l'utilisation massive d'antibiotiques: les conditions idéales étaient réunies pour voir l'émergence rapide d'une souche très résistante. Les populations de cette région étant très mobiles (flux migratoires très importants avec la Grande-Bretagne, l'Australie et l'Afrique), et les deux pays très touristiques, la bactérie pourrait continuer à se répandre rapidement dans le monde entier.
«Eviter le tourisme médical en Inde et au Pakistan»
Autre source d'inquiétude, la bactérie n'a pas été isolée uniquement dans les hôpitaux. Dans les deux pays source, elle serait déjà présente dans les villes. Le professeur Nordmann se refuse toutefois à lancer le moindre mouvement de panique. «Il est hors de question de déconseiller aux gens de se rendre là-bas pour le moment. Eviter de pratiquer le tourisme médical semble toutefois judicieux». De nombreuses personnes se rendent en effet dans ces pays pour se faire opérer à bas coûts les soins dentaires et la chirurgie esthétique y sont très bon marché. La plupart des cas isolés dans le monde sont d'ailleurs liés à des étrangers partis se faire opérer en Inde.
En France, les mesures à prendre seraient «en cours d'écriture» au ministère. L'objectif étant de repérer les personnes infectées le plus rapidement possible afin de les isoler et d'éviter les contagions. Mais la situation n'est pas aussi préoccupante qu'en Grande-Bretagne où «cela peut aller très vite», estime Patrice Nordmann.