Recommandations américaines sur la prise en charge des nausées pendant la grossesse
Houston, Etats-Unis — L’American College of Obstétriciens and Gynecologists (ACOG) a réactualisé ses recommandation sur la prise en charge des nausées et vomissements lors d’une grossesse. Il est notamment préconisé de les traiter au plus tôt pour éviter une aggravation des symptômes et l’apparition d’une hyperémèse gravidique.
Un traitement initié dans les premiers stades peut prévenir des complications plus sérieuses.
« Lorsque les nausées et les vomissements s’accentuent, il peut devenir plus compliqué de contrôler les symptômes. Un traitement initié dans les premiers stades peut prévenir des complications plus sérieuses, y compris celles conduisant à une hospitalisation », notent les auteurs.
Ces recommandations ont fait l’objet d’une publication dans Obstetrics and Gynecology. Elles ont été émises par un groupe de travail du ACOG, en collaboration avec le Dr Susan Ramin (St. Luke's Medical Center, Houston, Etats-Unis), coresponsable de l’American Board of Obstetrics & Gynecology (ACOG)[1.]
La mise à jour - la dernière sur ce sujet date de 2015 - tient compte des nouvelles données de la littérature et établit un classement des recommandations selon le niveau de preuve. Elle propose également un questionnaire pour évaluer le niveau de sévérité des nausées et un algorithme pour décider du traitement à appliquer.
L’hypermesis gravidarum, 2ème cause d’hospitalisation
Environ 30 à 50% des femmes enceintes souffrent de nausées, majoritairement pendant le premier trimestre de grossesse, et plus de la moitié ont des vomissements. Les symptômes sont très souvent modérés et sans gravité, mais peuvent s’intensifier au point de compromettre la santé de la mère et de l’enfant. On parle alors d’hypermesis gravidarum.
L’hypermesis gravidarum est la deuxième cause d’hospitalisation pendant une grossesse.
Les vomissements à répétition peuvent ainsi aboutir à une forte déshydratation, une perte de poids et un épuisement. Après la menace d’accouchement prématuré, « l’hypermesis gravidarum est la deuxième cause d’hospitalisation pendant une grossesse », indiquent les auteurs des recommandations, qui visent notamment à prévenir ce trouble.
Tout d’abord, il est rappelé que « les nausées et vomissements modérés pendant la grossesse peuvent être atténués par application de mesures hygiéno-diététiques ». Il convient notamment de bien fractionner les repas pour limiter la formation de corps cétoniques, de prendre une collation le matin avant de se lever, d’éviter les aliments gras, de se reposer…
Ecarter les autres étiologies
Dans la plupart des cas, ces mesures sont suffisantes. Mais, en cas de vomissements incoercibles, l’hypermérèse gravide peut être envisagée. « Il n’y a pas de définition précise et validée pour caractériser l’hypermesis gravidarum. Son diagnostic est de type différentiel et repose sur l’exclusion des étiologies autres que la grossesse pouvant expliquer les résultats cliniques ».
Parmi les critères retenus figurent les vomissements répétés, mais aussi la perte de poids d’au moins 5%, par rapport au poids initial. Des troubles ioniques, comme des pertes de chlore et de potassium, ainsi que des anomalies biologiques hépatiques ou thyroïdiennes peuvent aussi être associées.
Le moment d’apparition des symptômes est aussi un facteur à prendre en compte. « Dans la grande majorité des cas, les nausées et les vomissements surviennent dans les neuf premières semaines. Lorsqu’une patiente a ces symptômes pour la première fois après neuf semaines, les autres étiologies doivent être soigneusement explorées », indiquent les auteurs.
Ils précisent que « les antécédents de troubles chroniques associées à des nausées ou des vomissements sont à rechercher ». Les antécédents de cholestase ou de gastroparésie diabétique sont notamment évoqués.
La vitamine B6 en première ligne
En cas de nausées et de vomissements survenant chez la femme enceinte, les recommandations de grade A (fondées sur des études de fort niveau de preuves) sont les suivantes :
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utiliser en première ligne la vitamine B6 (pyridoxine), seule ou en combinaison avec la doxylamine, un antihistaminique agissant comme agent antiémétique, dont l’efficacité et l’innocuité sont démontrées;
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les femmes doivent être encouragées à prendre des vitamines prénatales, notamment dans le mois qui précède la conception, afin de réduire l’incidence et l’intensité des nausées et des vomissements pendant la grossesse;
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le traitement symptomatique est recommandé en cas de résultats anormaux du bilan thyroïdien dus à une thyrotoxicose gestationnelle transitoire ou à un hypermesis gravidarum. Le recours aux antithyroïdiens est déconseillé.
Les recommandations de grade B (niveau intermédiaire de preuve) sont les suivantes :
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en phytothérapie, le gingembre a montré un effet bénéfique en traitement alternatif non pharmacologique des nausées et vomissements survenant lors de la grossesse;
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la methylprednisolone, un anti-inflammatoire stéroïdien de la famille des corticoïdes, s’est révélé efficace dans certains cas de nausées et de vomissements sévères persistants, mais il est à utiliser en dernier recours, en raison d’un profil de sécurité insatisfaisant.
Dextrose et de compléments vitaminiques
Les recommandations de grade C (niveau moindre de preuve), principalement fondées sur des consensus d’experts, sont :
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le traitement précoce des nausées et vomissements survenant lors d’une grossesse peut aider à prévenir l’évolution vers une hyperémèse gravidique;
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une hydratation intraveineuse est à privilégier chez les patients ne supportant pas de manière prolongée la réhydratation par voie orale et en cas de signes avérés de déshydratation;
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il est fondamental de corriger une cétose ou une carence en vitamines. En cas de vomissements persistants et prolongés, l’apport de dextrose et de compléments vitaminiques est recommandé. Un traitement par thiamine avant la prise de dextrose permet également de prévenir l’apparition d’une encéphalopathie de Wernicke;
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une nutrition entérale (sonde nasogastrique ou nasoduodénale) est préconisée en première intention chez les femmes présentant un hyperémèse gravidique, lorsque le traitement médical s’avère inefficace et que la perte de poids se maintien;
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l’utilisation d’un cathéter central inséré par voie périphérique est à envisager en dernier recours chez les femmes souffrant d‘hyperémèse gravidique, l’intervention étant associée à des complications et à un risque de morbidité maternelle sévère.
« Lorsqu’une femme ne peut pas absorber de liquides sans vomir et ne répond pas aux traitements en ambulatoire, l’hospitalisation peut être envisagée pour effectuer un bilan, réaliser une réhydratation ou traiter les troubles ioniques », indiquent les auteurs.
Après l’hospitalisation et la recherche des causes des vomissements sévères, « l’hydratation intraveineuse, la nutrition et le changement de traitement antiémétique peuvent généralement être conduits à domicile ».
« L’hospitalisation pour une observation ou une évaluation plus poussée est à réserver aux patientes présentant une altération des signes vitaux, une modification de l’état mental, une perte de poids ou une résistance aux traitements ».