Anti-EGFR et cancer colorectal : valeur prédictive des mutations de BRAF, NRAS et PIK3CA
La mise en évidence du rôle prédictif du statut muté ou non du gène KRAS a constitué une avancée importante dans l’individualisation des traitements des patients avec un cancer colorectal métastatique (1,2). Néanmoins, en dernière ligne, la majorité des patients avec une tumeurKRAS non mutée (65%) ne répondent pas aux anti-EGFR (« epidermal growth factor receptor ») (2). Pour essayer de mieux définir le sous-groupe de patients en bénéficiant, les auteurs ont analysé la valeur prédictive des mutations des autres gènes effecteurs de la voie EGFR.
11 centres dans 7 pays ont participé à cette étude. 1022 patients traités par cetuximab pour un cancer colorectal métastatique réfractaire à la chimiothérapie ont été inclus, et 773 échantillons avec une qualité d’ADN suffisante ont pu être analysés. Au total, l’étude porte sur 649 patients traités par une combinaison de cetuximab et chimiothérapie pour un cancer colorectal réfractaire, et ce avant « l’aire » du statut KRAS. Tous les échantillons ont été analysés de manière centralisée. Les mutations les plus fréquentes de KRAS, NRAS, BRAF et PIK3CA ont été recherchées.
Une mutation de KRAS fut retrouvée dans 40% des cas (n=299/747) : 36,3% dans les codons 12 ou 13, 2,1% dans le codon 61, 2% dans le codon 146 et dans 1 cas dans le codon 59.
Une mutation de PIK3CA fut retrouvée dans 14,5% des cas (n=108/743) : 10% dans l’exon 9 et 3% dans l’exon 20. Il existait une association forte entre les mutations de l’exon 9 de PIK3CA et les mutations KRAS : 14,7% dans les KRAS mutés vs 6,8% dans les KRASnon mutés (p=0,0006). 20,2% des tumeurs mutées KRAS présentaient une mutation de PIK3CA, dans 3,8 des cas dans l’exon 20 et dans 14,7% des cas dans l’exon 9.
Une mutation de BRAF fut retrouvée dans 4,7% des cas (n=36/761). Dans tous les cas, à l’exception d’une (mutation D549G), il s’agissait d’une mutation V600E.
Une mutation de NRAS fut retrouvée dans 2,6% des cas (n=17/644), la plupart touchant le codon 61. Les mutations KRAS et BRAF étaient mutuellement exclusives, comme les mutations KRAS et NRAS ou BRAFet NRAS.
L’analyse prédictive fut limitée aux 649 patients traités par une combinaison de cetuximab et chimiothérapie.
Comme attendu, les patients avec une tumeur mutée KRAS avaient un taux de réponse (6,7% vs 35,8% ; p<0,0001), une survie sans progression (12 vs 24 semaines ; p<0,0001) et une survie globale (32 vs50 semaines ; p<0,0001) significativement plus faibles que ceux avec une tumeur KRAS non mutée. Les patients avec une mutation du codon 61 de KRAS (0% vs 35,7% ; p=0,0055) avaient un taux de réponse significativement plus faible que ceux avec une tumeur non mutée KRASmais ce n’était pas le cas pour les patients avec une mutation de l’exon 146 (18,2% vs 36,9% ; p=0,34). La présence d’une mutation de PIK3CAn’avait aucune valeur prédictive dans le sous-groupe des patients mutésKRAS.
Les auteurs ont ensuite analysé la valeur prédictive des mutations dePIK3CA, NRAS et BRAF dans le sous-groupe de patients sans mutationKRAS.
Comparés aux patients sans mutation de PIK3CA, la présence d’une mutation de l’exon 20 de PIK3CA avait une valeur prédictive négative sur le taux de réponse (0% vs 36,8% ; p=0,029), la survie sans progression (11,5 vs 24 semaines ; p=0,013) et la survie globale (34 vs 51 semaines ; p=0,0057). Par contre, une mutation de l‘exon 9 de PIK3CAn’avait aucune valeur prédictive.
La présence d’une mutation de BRAF avait également une forte valeur prédictive négative sur le taux de réponse (8,3% vs 38,0% ; p=0,0012), la survie sans progression (8 vs 26 semaines ; p<0,0001) et la survie globale (26 vs 54 semaines ; p<0,0001). Parmi les 2 patients ayant eu une réponse avec une tumeur mutée BRAF, l’un des 2 avait la mutation D594G.
La présence d’une mutation de NRAS avait une valeur prédictive négative uniquement pour le taux de réponse (7,7% vs 38,1% ;p=0,013) mais ni pour la survie sans progression (14 vs 26 semaines ;p=0,055), ni pour la survie globale (38 vs 50 semaines ; p=0,051).
En analyse multivariée, la présence d’une mutation de KRAS, PIK3CAexon 20 et BRAF avaient chacune une valeur prédictive négative.
Le taux de réponse objective passait de 36,3% chez les seuls patients sans mutation KRAS à 41,2% chez les patients sans mutation KRAS,BRAF, NRAS et PIK3CA exon 20.
En conclusion, en cas de tumeur non mutée KRAS, la recherche des mutations BRAF, NRAS et PIK3CA exon 20 permet de mieux déterminer le sous-groupe de patients bénéficiant du cetuximab en Xème ligne.
> De Roock W, Bernasconi D, De Schutter J, et al. Effects of KRAS, BRAF, NRAS, and PIK3CA mutations on the efficacy of cetuximab plus chemotherapy in chemotherapy-refractory metastatic colorectal cancer : a retrospective consortium analysis. Lancet Oncol 2010;11:753-62.
1. Amado RG, Wolf M , Peeters M, et al. Wild-type KRAS is required for panitumumab efficacy in patients with metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2008 ;26 :1626-34.
2. Karapetis CS, Khambata-Ford S, Jonker DJ, et al. K-ras mutations and benefit from cetuximab in advanced colorectal cancer. N Engl J Med 2008 ;35 :757-65.