La photothérapie dynamique dans le traitement du cholangiocarcinome non résécable
Le cholangiocarcinome est une pathologie relativement rare dont le pronostic est assez sombre : la survie médiane étant inférieure à 1 an et la survie à 5 ans inférieure à 3 %. Ce pronostic extrêmement péjoratif est lié à un diagnostic tardif, au stade où la tumeur, devenue volumineuse, obstrue les voies biliaires. Le seul traitement curatif est la résection chirurgicale qui ne peut être envisagée que dans 20% des cas. Dans la grande majorité des cas la prise en charge thérapeutique des patients consiste à assurer un drainage satisfaisant des voies biliaires, et à limiter la progression tumorale grâce à une chimiothérapie systémique. En cas de tumeur non résécable, le drainage biliaire est réalisé par voie rétrograde endoscopique ou par voie transhépatique (tumeur proximale) au mieux par la mise en place d’une prothèse métallique couverte ( en Algérie , seul le drainage biliaire chirurgical , avec sa morbi-mortalité , est possible à l’heure actuelle) .
Le bénéfice de la décompression biliaire est bien établi, en terme de survie et également de qualité de vie. Un drainage bilatéral des voies biliaires sera réalisé chaque fois qu’il est possible. La durée de la survie ne semble pas être influencée par ce drainage biliaire, avec une survie médiane comprise entre 3 et 9 mois. La radio-chimiothérapie, largement utilisée en Occident dans les formes localement évoluées non métastatiques n’a jamais été réellement évaluée. Les résultats de la transplantation hépatique sont globalement décevants bien que certaines séries rapportent des survies à long terme chez des patients très sélectionnés.
Afin d'améliorer la qualité du drainage biliaire endoscopique ou percutané et optimiser les résultats de la chimiothérapie, notamment en réduisant le risque d’obstruction tumorale des prothèses,la photothérapie dynamique (PDT) semble constituer une alternative intéressante et peu invasive dans cette situation. La photothérapie dynamique est une méthode originale permettant ladestruction locale du tissu tumoral par irradiation avec un laser après injection d’une molécule photosensibilisante (Photofrin) qui se concentre dans les cellules tumorales.
L’agent photosensibilisant est administré par voie intraveineuse, qui inactif dans l’obscurité devient cytotoxique (toxicité membranaire) à la lumière pour le tissus cible (tissu tumoral) dans lequel il est accumulé. Cet effet cytotoxique est du à une libération de radicaux de l’oxygène. Le photosensibilisateur le plus utilisé dans la PDT du cholangiocarcinome est le Photofrin (dérivé de l’hématoporphirine). L’exposition lumineuse se fait par voie endoscopique, au cours d’une CPRE pour changement de prothèse biliaire. La profondeur de la nécrose obtenue est de 4-6 mm. L’effet secondaire principal de ce traitement est la photosensibilisation qui persiste jusqu’à 4 à 6 semaines de l’injection. La tolérance de la PDT est pour cela bien supérieure à celle d’une RT et/ou CT.
La PDT est un traitement local inactif sur les lésions envahissant en profondeur les tissus ou sur des adénopathies locales ou à distance, et n’est active que sur des tissus suffisamment vascularisés (nécessité d’une oxygénation suffisante).
Globalement, la PDT est bien tolérée dans cette indication, avec des effets secondaires nettement inférieurs à ceux de la radiothérapie. La photosensibilisation transitoire reste le seul effet secondaire notable.
Les applications de la PDT, déjà nombreuses, ont été validées dans plusieurs études cliniques dans le traitement d'autres tumeurs solides (oesophage, bronche et ORL). Cette technique n'entraîne pas de risque de toxicité cumulée puisque la lumière utilisée est non ionisante ce qui, en cas de nécessité, permet la répétition du traitement sur le même site. Par ailleurs, l'utilisation d'un agent photosensibilisant permet de détruire sélectivement les foyers tumoraux sans endommager le tissu normal adjacent. Au niveau des voies biliaires, le Photofrin s'accumule au niveau de l'épithélium biliaire avec un pic de concentration 24 à 48 heures après l'injection.
Les premiers travaux d'Ortner avaient déjà montré que par rapport aux séries historiques, la PDT associée au drainage biliaire améliorait la durée de survie des malades et qu’elle réduisait la cholestase. Enfin des travaux randomisées plus récents ont montré une augmentation très significative de la survie des patients atteints de cancer des voies biliaires non résécable traité par PDT et drainage par rapport au traitement par drainage seul . Alors que la survie moyenne de ces patients est de 3 mois sans traitement complémentaire, ces études rapportaient pour la plupart d’entre elles des survies de 9 à 18 mois. La PDT améliore de façon significative la qualité de vie des patients, et a également un bénéfice en terme de réduction de taille des sténoses biliaires.
Concernant les modalités de la PDT, le nombre de séances nécessaires n’est pas clairement établi (de 1 à 6 dans les différentes études publiées). La séance de PDT se fait au cours d‘une CPRE pour changement de prothèse biliaire plastique. Le drainage par mise en place de prothèse métallique 1 mois après la PDT est faisable la plupart du temps si l’on décide de ne plus envisager de nouvelle séance de PDT.
PDT et cholangiocarcinome non résécable
|
Drainage seul |
Drainage + PDT |
p |
Survie médiane |
3,3 mois |
16,4 mois |
P< 0,0001 |
Ortner M.E. et al. Gastroenterol 2003 ; 125 :1355-63
Résultats chirurgie et traitement palliatif (PDT + drainage)
|
Résécables * |
Non résécables ** |
||
Traitement |
R0 |
R1/R2 |
PDT + prothèse |
prothèse |
Patients |
42 |
18 |
68 |
56 |
Survie médiane |
33,1 mois |
12,2 mois |
12 mois |
6,4 mois |
*Type III-IV: 39 (65 %)
** Type III-IV: 108 (87%)
Witzigmann H. et al. Ann. Surg. 2006 ; 224 :230-9
Récemment une étude américaine de M. Kahaleh, de l’Université de Virginia Health System de Charlottesville,parue en mars 2008 sur Clinical Gastroenterology and Hepatology a montré un gain de survie qui passe de 7 à 16 mois lorsqu’on associe la PDT au drainage biliaire. Cependant l’auteur de cet article reconnaît que si la PDT est utilisée en Europe et plus particulièrement en Allemagne où elle est devenu un standard, la FDA est encore réticente même si elle encourage les essais thérapeutiques à grande échelle afin d’évaluer l’efficacité et surtout les effets adverses de la technique.
Dans cette série rapportée par M. Kahaleh, sur une période de 5 ans, 48 patients présentant un cholangiocarcinome localement avancé ont été pris encharge : 29 ont bénéficié d’un stent biliaire et 19 ont eu l’association stent et PDT. Les patients ayant eu l’association stent+ PDT ont eu une survie de 16.2 vs 7.4 mois pour ceux n’ayant que le stent. (p < .004).
Mortalité
Mois |
Photothérapie dynamique + Stent (%) |
Stent biliaire (%) |
3 |
0 |
28 |
6 |
16 |
52 |
12 |
56 |
82 |
3 patients ont présenté des effets adverses de la PDT sous forme de photoxicité cutané ayant nécessité un traitement local.
Conclusion :
La photothérapie dynamique (PTD) est un mode de traitement par laser non thermique destiné à provoquer une nécrose sélective des tissus néoplasiques par lumière laser après administration d’une drogue photosensibilisante. Les résultats obtenus par les différentes équipes occidentales devraient inciter nos collègues gastro-entérologues à l’introduire dans l’arsenal thérapeutique des cholangiocarcinomes localement avancé non résécables et dans les récidives après traitement curatif. Pour cela, l’acquisition du matériel de photothérapie dynamique et la mise en place d’unité d’endoscopie interventionnelle dans les services de gastro-entérologie de nos CHU sont plus que nécessaires , l’indication de cette méthode thérapeutique devant néanmoins, toujours être discutée au sein d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.
Bibliographie:
- Mannesmann H. Photodynamic therapy in gastroenterology: the German experience. Acta Endoscopica Volume 29 - N° 5 - 1999 ; 593
- Ortner M.E. et al. Gastroenterol 2003 ; 125 :1355-63
- Witzigmann H. et al. Ann. Surg. 2006 ; 224 :230-9
- Kahaleh M. et al. Clin Gastroenterol Hepatol. 2008; 6: 266-267.