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Diabète gestationnel par le Docteur BEHIDJ Ali

Diabète gestationnel par le Docteur BEHIDJ Ali

A l'occasion de la journée mondiale du diabète, SantéDz s'est penché sur cette maladie chronique qui se déclare de plus en plus souvent chez la femme enceinte et dont les complications sont redoutées autant chez la mère que chez le fœtus ou le nouveau-né après sa naissance. Un article du Docteur BEHIDJ Ali, Maitre de conférences, Endocrinologie-Diabétologie et maladies métaboliques.

1. Introduction 

Le diabète gestationnel (DG) est une intolérance glucidique mise en évidence pour la première fois durant la grossesse.La prévalence est en nette augmentation, partout dans le monde, en relation avec l’épidémie d’obésité et de diabète.Un diagnostic certain de diabète gestationnel ou de diabète de type 2 en cours de grossesse constitue unfacteur de risque important dans la survenue des complications chez la mère  et le nouveau-né.La pierre angulaire du traitement reste les mesures hygiéno-diététiques, avec recours à l’insulinothérapie en cas d’échec. Un suivi des patientes en post partum est indispensable vu le haut risque d’apparition d’un diabète et maladies cardiovasculaireschez la mère et l’enfant dans le futur.

2. Définition 

Le diabète gestationnel (DG) est défini par l’OMS comme un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué  pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum.Cette définition pourrait englober deux entités différentes :

- Un diabète patent, habituellement de type 2, existant avant la grossesse mais mis en évidence seulement à ce moment et persistant après l’accouchement.

- Une détérioration transitoire de la tolérance glucidique apparaissant généralement dans la seconde moitié et qui pourrait disparaitre durant la période post partum.

3. Épidémiologie 

Le DG est une des complications la plus fréquentes de la grossesse et elle est asymptomatique. La prévalence du diabète gestationnel est difficile à estimer ;elle est très variable dans le monde et parfois même au sein d’un même pays en fonction de l’origine ethnique des habitants .La prévalence du DG a été estimée entre 5 % et 23%  des grossesses, selon les populations étudiées et les critères de dépistage utilises [1].

4. Physiopathologie 

Le DG est  caractérisée par une augmentation de l’insulinorésistance corrélée l’âge gestationnel. Bien que les mécanismes ne soient pas complètement connus, la production placentaire de TNF-α (TumorNecrosis Factor-α), de l’hormone lactogène placentaire, d’hormone de croissance et l’augmentation des taux sanguins de cortisol et de progestérone sont connus comme  facteurs de cette insulinorésisitance [2].Pour contrecarrer cette augmentation de la résistance à l’insuline,les cellules β  pancréatiques augmentent la production d’insuline.

Pour assurer la délivrance de glucose au fœtus à travers la barrière placentaire, une augmentation de 30% de la production endogène basale deglucose hépatique est effectuée chez la mère. Les femmes qui développent  un DG, c’est celles  qui sont incapables de s’adapter à ces changements physiologiques. Au début La majorité des femmes développant un diabète gestationnel présentent une hyperglycémie post-prandiale puis une hyperglycémie à jeun secondaire à un déficit relatif de la fonction de la cellule β.La présence déjà d’une insulinorésistance avant la conception provoquera une accélération de  processus vers un DG .En réalité,La physiopathologie du diabète gestationnel et du diabète de type 2 sont similaires, de sorte que le diabète  gestationnel pourrait être le reflet d’un stade précoce de diabète de type 2 survenant dans le contexte de la grossesse. Cela explique donc que les patientes ayant présenté un diabète gestationnel sont exposées à un risque accru de développer un diabète de type 2 par la suite [2].

5. Critères diagnostiques pour un diabète gestationnel 

Basé sur une cohorte incluant plus que 20 000 femmes enceintes («Hyper­glycemia and Adverse PregnancyOutcome» [HAPO]), les critères ont été adaptés pour identifier les seuils de glycémies liés à l’augmentation du poids de naissance, de la valeur du C-peptide dans le cordon, du taux de césarienne, de pré-éclampsie et de prématurité.Il s’agit d’une méthode en un temps qui est le test HGPO avec 75 g de glucose à 2 heures. Cette méthode a l’avantage d’une meilleure tolérance, d’une réduction du délai de la prise en charge et d’une meilleure observance. C’est pourquoi, et depuis 2010, l’International AssociationofDiabetesPregnancyStudy Group (IADPS) a proposé comme critères diagnostiques du diabètegestationnel entre 24 et28 SA :

  • Une  glycémieàjeun  0,92 g/L (5,1 mmol/L)
  • et/ou une glycémie 1 heure après la charge orale 1,80 g/L(10,0 mmol/L)
  • et/ou glycémie 2 heures après la charge  1,53 g/L(8,5 mmol/L)

Depuis ,un dépistage  en utilisant ces critères est recommandé par plusieurs sociétés savantes internationales et nationales de diabétologie et de gynécologie-obstétrique, dont l’«American Diabetes Association» (ADA) [3]

6. Dépistage 

La prévalence de DG est très variable mais est en majoration, partout dans le monde, en relation avec l’épidémie d’obésité et de diabète. Ainsi, il fait sens de tester par une glycémie à jeun et une HbA1c les femmes avec des facteurs de risque pour un diabète à leur première visite prénatale. Pour certains pays comme la France et les Etats Unis, les recommandations actuelles  sont un dépistage précoce au cours de la grossesse [4,5], permettant de différencier un DG d’un diabète de type 2 antérieur a la grossesse méconnu et  le prendre précocement en charge. Les femmes présentant un diabète de type 2 sont en effet plus àrisque de mortalitépérinatale. Ainsi les glycémiesà jeun élevées et   comprises entre 0,92 g/L et 1,26 g/L au premier trimestre, sont associées a une augmentation significative du risque de complications obstétricales justifiant donc son dépistagepour certains afin de les traiter et éventuellement de diminuer ce taux de complications [6]. Si le test est négatif, HGPO sera réalisée entre 24 et 28 SA. Néanmoins, le dépistage du diabète gestationnel est classiquement recommandé entre 24 et 28 semaines, date à laquelle la tolérance au glucose se détériore au cours de la grossesse en utilisant les critèresdiagnostiques adoptés par IADPS.

 

Dépistage ciblé ou universel ?

La plupart des « guidelines », incluant celles de L’ADA en 2016 [7], recommandent un dépistage universel du diabète gestationnel, mais d’autres organisations, comme l’association anglaise NICE (National Institute for Health and Care Excellence), en 2015, recommandent uniquement un dépistage ciblé sur les facteurs de risque de diabète gestationnel [8].

Quels sont les facteurs de risque de DG ?

Il est clair que  le DG est associé à divers facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux. 50–80% des femmes souffrant de DG présente un ou plusieurs des facteurs de risque connus .Ces derniers sont les mêmes que ceux retrouvés dans  l’intolérance au glucose et le diabète de type 2 en dehors de la grossesse et sont principalement les suivants:

  • Age > 25 ans
  • Surpoids (BMI >25 kg/m2 ou >23 kg/m2 chez les asiatiques) avec au moins un autre facteur de risque ou une obésité (BMI >30 kg/m2)
  • Antécédent de DG ou d’intolérance au glucose
  • Antécédent familial de premier degré pour un diabète de type 2
  • Ethnie: afro-américaine, hispanique, amérindienne, aborigène
  • Syndrome des ovaires polykystiques
  • Maladie ou facteurs de risque cardiovasculaire.

D’autres facteurs de risque spécifiques ont été observés dans le DG tels que:

  • Prise pondérale gestationnelle excessive
  • Sédentarité
  • Apport alimentaire excessif en lipides, en saccharose ou en protéines animales et une consommation insuffisante de fibres.

D’autres éléments ont également été corrélés à un risque plus élevé de DG. Ces derniers sont un déficit en vitamine D, un isolement social, un score de dépression élevé au début de la grossesse, une exposition au stress excessive.

7. Complications 

7.1. Complications maternelles 

Le diabète gestationnel est associé à un risque accru de pré-éclampsie et de césarienne,l’accouchement prématuré et l’hydramnios. Ces risques sont corrélés positivement à l’hyperglycémie initiale [9]. Le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque de pré-éclampsie et de césarienne, indépendamment du diabète gestationnel.                                                                                            

A long terme, les femmes ayant présenté un diabète gestationnel ont un risque d’un autre diabète gestationnel situé entre 30-84% lors d’une grossesse ultérieure et ont un risque multiplié par 7 de développer un diabète de type 2, un risque multiplié par 2 à 5 de développer un syndrome métabolique et un risque multiplié par 1,7 de développer plus tard une maladie cardiovasculaire.

7.2. Complications fœtales et néonatales 

Les complications périnatales sont beaucoup plus liées à un diabète de type2 méconnu qu’un DG. Néanmoins la macrosomie (poids de naissance >4 kg) est la principale conséquence néonatale démontrée d’un diabète gestationnel. Elle est le facteur principal associé aux complications rapportées en cas de diabète gestationnel. L’hypoglycémie néonatale ainsi que des complications plus rares comme une dystocie des épaules, des lésions traumatiques secondaires, une détresse respiratoire, une hyperbilirubinémie, une hypocalcémie et/ou un séjour en soins intensifs sont rapportés. Le DG augmente le risque d’obésité pédiatrique et le diabète de type 2 sur le long terme.

8. Traitement 

La prise en charge spécifique du diabète gestationnel (diététique, autocontrôlesglycémiques, insulinothérapie si nécessaire) réduit les complications périnatales sévères, la macrosomie fœtale et la pré-éclampsie.

8.1. Alimentation 

Des conseils nutritionnels sont recommandés pour toute femme présentant un DG.  La spécificité des conseils proposés réside dans la quantité et la qualité des glucides. L’«Endocrine Society», recommande un apport limité en glucides (35–45% de l’apport énergétique total) en  favorisant  les aliments avec un index glycémique faible.La prise en charge nutritionnelle vise également à maintenir la prise de poids dans les limites des valeurs recommandées. Pour les femmes en surpoids ou obèses, L’«Endocrine Society» propose une réduction des apports alimentaires d’un tiers, en veillant néanmoins à maintenir un apport minimum de 1600 à 1800 kcal/jour.

8.2. Activité physique 

Un exercice physique d’intensité  légère à modérée de 30minutes ,3 à 5 fois par semaine est recommandé comme traitement  du DG.

8.3. Autosurveillance glycémique 

La mesure de la glycémie permettra de mesurer les effets des actions mises en place par les modifications du style de vie ou d’évaluer la nécessité d’introduire une thérapie médicamenteuse complémentaire.Une auto-surveillance glycémique capillaire devrait être effectuée 6×/jour, le matin à jeun, pré et postprandiale  après les 3 repas. Les seuils recommandés par les différentes sociétés nationales et internationales se basent sur les plus grandes études et celles qui sont méthodologiquement les plus performantes (tableau).

Tableau : Les différents objectifs glycémiques capillaires dans le suivi d’un diabète gestationnel.

Guidelines

A jeun

1 h post prandiales

2 h post prandiales

ADA 2017

≤95 mg/dl soit 5,3 mmol/l

≤140 mg/dl soit 7,8 mmol/l

≤120 mg/dl soit 6,7 mmol/l

NICE 2017

≤5,3 mmol/l

≤7,8 mmol/l

≤6,4 mmol/l

SSED

≤5,3 mmol/l

≤8,0 mmol/l

≤7,0 mmol/l


ADA: «American Diabetes Association»; NICE: «National Institute for Health and care excellence»; SSED: Société Suisse d’Endocrinologie et de Diabétologie

8.4. Insulinothérapie 

Un traitement médicamenteux est proposé lorsque les changements alimentaires ou l’activité physique ne permettent pas d’atteindre un équilibre glycémique au bout de 10 à 15 jours. Le traitement pharmacologique standard pour les femmes atteintes de DG est l’insuline, car elle ne traverse pas la barrière placentaire. Le schéma basal-bolus est recommandé  permettant de réduire les excursions glycémiques après les repas. Les analogues sont admises durant la grossesse aussi bien pour les  basales que les rapides.

Les agents hypoglycémiants oraux ne sont pas recommandés actuellement en première intention durant la grossesse même si les données sur le glibenclamide et la metformine semblent rassurantes [10].La plupart des hypoglycémiants oraux franchissent la barrière placentaire et qu’il y a peu de données sur la sécurité à long terme pour les enfants.

9. Suivi en postpartum 

Le DG disparaît généralement après l’accouchement, toutefois 40% des femmes auront un diagnostic de pré-diabète quelques semaines après leur accouchement.L’ADA  en 2016 recommande la réalisation d’une HGPO 75 g de glucose 6 à 12 semaines après l’accouchement, avec les critères habituels utilisés en dehors de la grossesse pour le diagnostic du diabète [7]. L’hémoglobine glyquée mesurée immédiatement en post-partum peut encore être faussement abaissée du fait de la diminution persistante de la demi-vie des globules rouges ou des pertes sanguines secondaires à la grossesse .Par la suite, un contrôle métabolique est recommandé tous les 1 à 3 ans.

Conclusion 

Le DG est une maladie fréquente et asymptomatique. Un dépistage surtout chez les femmes à risque est recommandé.son impact sur la santé de la mère et l’enfant  justifie une prise  en charge globale avec un suivi au long cours  après l’accouchement.  

 

Références :

1. Nathalie P, Dominique M, Orsalia .Prise en charge du diabète gestationnel en 2016 : une revue de la littérature .Endocrinologie et nutrition.

2. Agha-Jaffar R, Olivier N, Jonhston D, Robison S. Gestational diabetes mellitus: does an effective prevention strategy exist? Nat Rev Endocrinol 2016; 12:533-546.

3. Association, A.D., Standards of Medical Care in Diabetes-2017: Summary of Revisions. Diabetes Care. 2017;40(Suppl 1):S4–S5.

4. Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Société francophone du diabète. Gestational diabetes. J GynecolObstetBiol Reprod2010;39(8):S338–42 [Suppl 2:S139].  

5. Committee on Practice Bulletins–Obstetrics. Practice Bulletin No. 137. Gestational diabetes mellitus. ObstetGynecol 2013;122(2):40616 [Pt 1].    

6. Riskin-Mashiah S, Younes G, Damti A, Auslender R. First-trimester fasting hyperglycemia and adverse pregnancy outcomes. Diabetes Care 2009;32(9):1639–43.

7. American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes 2016, Diabetes care 2016; 39 (supplement 1): 18-20 and 86-93.

8. National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Diabetes in pregnancy: management of diabetes and its complications from preconception to the postnatal period. NICE guideline 2015 N°3 ;https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK293625/

9. Expert consensus on gestational diabetes mellitus. Diabetes and Metabolism 2010; 36: 595-616.

10. Kitwitee P et al. Metformin for the treatment of gestational diabetes: an updated meta-analysis.Diabetes Res ClinPract 2015; 109: 521-532.

 

 


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